lundi 17 décembre 2007

Mademoiselle Infidèle

Ses cris raisonnaient à mes oreilles. Elle était furieuse. Je tournai le dos, prétextant avoir quelque chose à faire alors que je savais que c'était faux. Elle le savait aussi. Elle criait de plus belle. Je plaquai mes mains de chaque coté de ma tête dans l'espoir d'améliorer la sono.
Peine perdu.

Et puis clac ! Comme un fouet, c'est sorti :

- Tu ne m'écoutes jamais !

- Mais oui je t'écoute. Et chaque fois, je frôle la catastrophe. J'y peux rien si tu veux te conduire comme une idiote.

- Tu comprends rien, je fais ça pour toi...

Je la voyais venir avec sa mine boudeuse. Elle se fit douce, sucrée... et collante, comme du sirop d'érable.

- Et puis... on s'est bien amusées la dernière fois, non ?

Silence.

Ne pas lui répondre. La laisser s'obstiner contre elle-même. Elle aime ça. C'est déjà ce qu'elle est en train de faire de toute façon. Je chassai mes pensées en balayant et me mis à laver minutieusement la vaisselle.

- Alors on le fait ?

Re-silence.

- Je vais prendre une douche.

Je m'approchai du miroir et commençai à me dévêtir. Frémissement subtil au coin de sa bouche. Elle ne souriait pas mais je pouvais lire dans ses yeux. Sa victoire approchait.

J'entrai dans la douche avec la ferme intention de m'ébouillanter. Ma peau rougit et bientôt je me mis à respirer de la vapeur, question de tester mes branchies. Je réussis à m'engourdir. Satisfaite, je risquai un pied hors du bain. J'étais légèrement étourdie. Je fermai les yeux. C'est passé.

J'ouvris la porte.

- Aller on y va.

- Non, c'est complètement insensé.

- Je veux y aller.

- Mais pourquoi ?

- Je veux y aller, bon !

Je patinai, mon cerveau gauche voulut faire une passe à celui de droite mais celui-ci la rata de peu. Je bafouillai.

- Oui mais je n'ai pas envie d'y aller, c'est du suicide et tu le sais.

Elle sourit. Pas un vrai sourire. Juste un plissement au coin de ses lèvres. Mais c'était sa manière de sourire.

- Mais non, ça va aller. T'as toujours la trouille. Tu sais que ça sera un bon moyen...

Elle me fixa et attendit.

- C'est bon t'as gagné. Mais c'est juste parce que je veux pas t'entendre chialer plus longtemps.

Elle ricanait.

- C'est même plus drôle, je gagne tout le temps.

- Fais gaffe je peux encore changer d'idée.

- Tu ne feras pas ça, tu le sais.

J'eus soudain un peu mal au cœur. Je pris mon manteau le plus lentement possible.

- Dépêche-toi, on va être en retard !

(...)

J'en avais plein les poches. Et la neige qui s'agglutinait sur mes cils faisait couler mon mascara. J'avançai bravement jusqu'à l'autobus.

- Grouille !

(...)

- Bon tu vois bien que tout est fermé ça marchera pas.

- Arrête de geindre, il y a surement un autre moyen.

(...)

L'auto glissait. La neige était partout, c'était aveuglant. Mon cœur battait à tout rompre ou du moins à démolir les fondations du Vieux-Québec.

Mon esprit se croyait drôle, qu'est-ce qui m'avait pris de l'écouter.

Le trajet me parut durer quatre jours. Mille fois, je nous vis prendre le fossé d'attaque et rebondir sur la chaussé glissante pour finir notre course dans la rivière. Il s'en fallut de peu. Mais mille fois la tempête nous recracha un peu plus loin comme si elle prenait plaisir à ne pas nous avaler, pour nous goûter plus longtemps.

Ses yeux brillaient. Elle était heureuse ou du moins, sur un très gros "high".

Mon cœur me dit qu'il n'allait pas endurer ça plus longtemps.

Les kilomètres s’égrainèrent les uns après les autres. Je les comptais. Au fond, ça m'était égal. Et puis, il en resta de moins en moins. Je repris espoir.

Finalement arrivée, j'applaudis. Je tremblais.

Je téléphonai à Mathieu pour lui dire que j'étais en vie.

- Oui ? Je suis arrivée... Je sais, c'était dangereux. Non, non, tout va bien... Pourquoi ? Bah, j'en avais envie, c'est tout... Bon j'arrive.

Je raccrochai.

Il ne tombait plus que quelques flocons. Puis je me suis souvenu.

Elle se mit à rire, rire, rire. Un rire aigu.

Je criai.

Mais le son que j'entendis fut celui de mon propre rire. J'exorcisais mon stress, cette chienne de peur a qui j'avais lancé mon pied en pleine gueule.

Je ricanai pendant quelques secondes encore puis je murmurai juste pour moi, tout bas :

- Je te l'avais dit.

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